
By Environnementon Guest Writer
December 31, 2022
« Les COP sont un peu des machines à décevoir » déclarait François Gemenne scientifique, chercheur, membre du GIEC et professeur dans notre cher institut, à l’issue de la vingt-septième Conference Of Parties le 20 novembre. Une fois de plus, les 197 parties signataires de la CCNUCC se sont réunies dans l‘objectif de renforcer leurs engagements afin de lutter contre le réchauffement climatique.Ils se sont contentées, une fois de plus, du minimum demandé.
Certes, un accord « historique » a été signé. Gemenne le souligne lui-même. Certes, la mise en place d’un fond pour compenser les « pertes et préjudices », soit les dégâts irréversibles causés par les pays du Nord, est une victoire indéniable pour les pays les plus vulnérables. Certes, les pays industrialisés, les pollueurs historiques, reconnaissent enfin leur responsabilité et leur devoir d’indemnisation des dégâts. Certes. Des années de revendications de la part des pays les moins industrialisés sont ainsi actées sur papier et, bien que seul le contenant en soit établi, cet accord est historique : une justice climatique ressort de Sharm El-Sheikh. Pour rappel, les zones les plus exposées au changement climatique sont également les moins responsables de ce même changement, à l’image du continent africain, responsable de moins de 4% des émissions mondiales de GES et continent le plus à risque selon le GIEC.
Mais, et il est nécessaire de le préciser, cet accord n’est qu'un contenant. Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel et président de la COP 21, nuance ainsi la réussite de Sharm El-Sheikh : « Si on est honnêtes, on doit remarquer qu’on ne connaît ni le montant, ni les bénéficiaires, ni ceux qui vont payer ». Le texte de l’accord n’apporte donc pas de précisions sur ces sujets, qui devront attendre d’être déterminés par un comité spécial d’ici à la COP 28.
Cela constitue tout du moins une avancée. L’échec qui ressort de Sharm El-Sheikh ne vient pas de là. Notre déception découle de l’incapacité à produire une avancée véritable sur la question de la réduction de gaz à effet de serre, principal danger auquel l’humanité doit faire face et supposé objectif de ces conférences. Depuis 2015 et l’accord de Paris, avec son aspiration à parvenir à un monde climatiquement neutre d'ici le milieu du siècle, aucune avancée concrète ne s’opère. Le refus de reprendre la discussion sur la sortie des énergies fossiles, apparue à Glasgow en 2021, témoigne une nouvelle fois du poids des lobbies des entreprises fossiles. Le présent que ces derniers défendent est, de fait, plus attractif que les efforts colossaux qu’il faudra déployer en vue de garantir un futur stable. L’objectif de 1,5°C de Paris, quasiment impossible à l’heure actuelle pour Gemenne, s’éloigne davantage à chaque COP, présentée chaque année comme celle de la dernière chance. L'absence de référence à la COP 15 biodiversité tenue à la mi-décembre, quelques semaines après Sharm El-Sheikh, constitue un autre signal désastreux. La question de la biodiversité, pourtant étroitement liée à celle du climat, a été, une nouvelle fois, malencontreusement « oubliée ».
Les déceptions sont ainsi nombreuses à l’issue de cette COP, notamment de la part des hauts dirigeants. Contrairement au président de la conférence, Sameh Choukri, qui déclare « nous avons finalement rempli notre mission », déclaration déroutante au vu du manque de progrès, l’UE, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ou encore la France se disent déçus de cette COP et de son manque d’ambition. L’accord final qui en ressort n’appelle ainsi qu’à une réduction « rapide » des émissions, sans grande précision sur cette rapidité et sans nouvelles mesures pour aller en ce sens.
La COP 28 de Dubaï, censée tirer un premier bilan mondial de l’action climatique, n’en sera que plus décevante et alarmante tant l'absence de ces mêmes actions est frappante.
