Anna Halpern
December
« Vous devez comprendre que si l’Europe est attaquée, nous ne viendrons jamais vous aider et vous soutenir » : voici les mots de Donald Trump à Ursula von der Leyen en 2020, selon Thierry Breton.
Nombre d’entre nous en Europe se sont réveillés le 6 novembre en nous demandant ce que nous réserve le futur, et comment faire face à un nouveau mandat de Trump, dont la perspective se dessinait de plus en plus clairement. Cela faisait déjà des mois que l’Europe se préparait à cette possibilité sans pour autant avoir une solution unanime. La question phare: qu'adviendra-t-il de l'Ukraine si Trump redevient président, et comment la communauté européenne peut-elle se dissocier des Etats-Unis sur le plan sécuritaire?
Quelle est donc cette nouvelle position États-Unienne sur la guerre en Ukraine qui fait trembler l’Europe? Donald Trump a fait de la fin de la guerre en Ukraine, et surtout de son financement en grande partie par Washington, l’un des points clés de son programme électoral. Il s’est fait le porte drapeau d’un non-interventionnisme, d’une réduction de l'armée et d’un ‘chacun pour soi’ ou il envisage la défense des alliés des Etats-Unis—notamment l’Europe et Taiwan—comme un service rendu qu’ils devraient payer. Sous ses promesses de pousser pour un cessez le feu immédiat et de « mettre fin à la guerre en Ukraine en vingt-quatre heures, » les observateurs sont nombreux à craindre une menace de retrait de l’aide américaine pour tordre le bras de Zelensky et le pousser à négocier une fin potentiellement désavantageuse à la guerre.
En préparation d’une politique américaine bien moins avantageuse, les vingt-sept essaient de se recentrer sur des solutions européennes. En effet, pas plus tard que ce jeudi douze décembre, le Président français et le Premier ministre polonais ont discuté de l’option poussée par Emmanuel Macron d’envoyer des troupes en Ukraine. Cette option serait indépendante de l’OTAN et de l’UE, mais impliquerait une base « bilatérale. » Ce n’est pas la première fois que le Président français envisage l’envoie de troupes au sol. En effet, cela avait été abordé en février, ou il avait parlé d’une « ambiguïté stratégique » en n'écartant aucune option militaire. Néanmoins, cette idée ne fait pas consensus, que se soit l’Allemagne en février ou la Pologne plus récemment, nombreux sont les pays qui ne seraient pas « considérés comme disposés à envoyer éventuellement des troupes. »
Ce manque de consensus se reflète aussi au niveau de l’ambition de restructuration de la politique et des capacités défensives de l'Europe. L’Union européenne n’a pas d'armée commune, mais possède une politique de sécurité et de défense commune ou PSDC et un Fond Européen de défense ou FED. Bien qu’une ‘boussole stratégique’ commune ait été établie pour clarifier les objectifs sécuritaires européens, les divergences sur le degré d'intégration militaire auquel l’UE devrait aspirer sont largement visibles. D’une part, le nouvel air Trump ainsi que la guerre en Ukraine indiquent un besoin d'autonomisation de l’Europe en matière sécuritaire. D’autre part, la mise en place de cette autonomisation et du soutien à l’Ukraine fait division. En premier plan, les divergences intra-européennes sur le sujet de l’emprunt commun et de l’achat de munitions plutôt que des dépenses à des fins civiles, soulignent un manque de coordination et d’alignement stratégique au sein de l’Union.
Une question qui ressort souvent dans ces divisions, est la problématique d’une armée européenne. Cette idée historiquement soutenue par l’Allemagne et la France et largement opposée au sein des pays de l’Europe de l’est a été remise sur le plateau depuis le début de la guerre en Ukraine. En effet, les pays européens qui pour beaucoup sont au sein de l’OTAN et ne remplissent pas leur quota de 2% du budget pour l'armée, se sont retrouvés en besoin d’un grand changement et d’une remilitarisation face à un retour inattendu de la guerre sur leur continent. Bien que ce ne soit pas la première fois que cette notion d’« Europe de la défense » apparaisse, est-ce que cette fois les européens réussiront à faire front commun? Les suggestions sur les dépenses communes, pour donner plus de cohérence à leurs armées, la notion de promouvoir des achats d’armement d’industriels européens et l'établissement d’objectifs communs semblent des signes prometteurs. Mais on est encore bien loin de la notion d’une armée commune car les divisions de culture militaire entre les pays sont encore trop fortes, et les objectifs politiques trop divergents.
Ces divisions intra-européenne s'imposent donc comme une grave difficulté en essayant d'imaginer l'Europe sous Trump. En effet, il est clair qu’aucun consensus n’existe encore pour y répondre. Entre les pays les plus fortement défenseurs de l’Ukraine qui envisagent l’envoie de troupes sur le terrain, et ceux qui commencent à se demander si tous les efforts européens pour l'Ukraine sont bien raisonnables face à des troubles économiques et politiques grandissants, il est dors et déjà possible de dire que les rêves de fédération de certains pro-européens est loin d'être une réalité à ce jour. Néanmoins, il est tout de même important de souligner que l’Europe a réussi à se coordonner. Elle a envoyé une aide non négligeable, et à vu une augmentation de l’investissement militaire à travers un grand nombre de ses membres. Cette adaptation révèle sa capacité à faire face qui pourrait lui permettre de se placer dans le top des puissances militaires dans le futur.