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La COP 28: pourquoi Dubaï?

By Calista Cellerier

January 31, 2024


La COP28 s’est déroulée aux Emirats Arabes Unis (EAU) en novembre dernier. Elle promettait une approche globale et détaillée des futures actions pour le climat, réunissant les pays du monde entier dans le combat contre le réchauffement climatique. Pourtant, une fois de plus depuis la Coupe du Monde au Qatar, il semblerait que les pays du Moyen Orient soient au cœur des débats critiques environnementaux, politiques et sociaux. Alors, qu’est-ce que la COP28 aux EAU, et pourquoi tant de scandales?


Pour commencer, qu’est-ce qu’une COP? COP pour Conference of the Parties, il s’agit d’un rassemblement annuel à l'échelle gouvernementale, réunissant de nombreux pays dans l’objectif de répondre à la crise climatique et de trouver des solutions et plans d’action contre le réchauffement climatique. La COP28 a pour but, comme les autres, d'adresser la crise climatique. Elle se déroulait entre le 30 novembre et le 13 décembre 2023 sur l’ancien site de l’Expo 2020 à Dubaï. Parmi de nombreux consensus, les pays se mettent d’accord qu’il nous faut transitionner au-delà des énergies fossiles, de manière équitable et organisée. Il est attendu des pays les plus développés de transitionner vers l'énergie verte plus vite que les pays en développement. Cette COP se concentrait aussi sur le financement climatique et l'inclusivité de tous les pays dans les accords et actions. En revanche, pas d’obligation d’agir ni de plan chronologique proposé. Selon les Nations Unies, la COP28 était une COP très importante, car non seulement elle devait mettre les pays d’accord sur le plan d’action, mais aussi, pour la première fois, comment le mettre en œuvre. C'était un premier bilan mondial, décidant de ce qu’il nous reste à faire et guidant les pays dans les méthodes et technologies nécessaires pour accélérer les choses.


Pourtant, les critiques fusent. Défenseurs de l'environnement, journaux et médias reconnus, tous s’accordent à dire que la décision des Nations Unis de placer la COP28 aux des Emirats est une erreur compte tenu de l’empreinte écologique monstrueuse du pays. Mais le problème ne s'arrête pas là, car il semble que le choix du président de la COP28, fait par le gouvernement Émirati, ne fasse pas l'unanimité internationale. En effet, la nomination du Dr. Sultan Al Jaber a la présidence de cette conférence rencontre de l’opposition car il est aussi l'exécutif en chef de la 12eme plus grande compagnie de pétrole au monde, la Abu Dhabi National Oil Company, ou Adnoc. De plus, des documents secrets publiés sur de nombreux médias comme la CNN affirment que Al Jaber prévoit de nouveaux contrats avec d’autres acteurs politiques pour augmenter et distribuer plus de pétrole. Quel paradoxe donc, que le président de Adnoc soit aussi celui de la COP28. Ainsi les théories du complots émergent quant aux véritables intentions de Al Jaber. Bien qu’il nie ces allégations, le Guardian affirme avoir découvert des échanges par email affirmant ces dernières, soulignant le manque de responsabilité et de jugement de la part des Nations Unis et du gouvernement Émirati. La COP28 est qualifiée de “scandale” par Manon Aubry, politicienne française, ou encore de “ridicule” par Greta Thunberg, jeune activiste suédoise déjà très reconnue mondialement.


Il n’est un secret pour personne qu’une partie du business des Emirats est basée sur le commerce du pétrole. Les EAU se classent 8eme dans le monde en termes de production et 24eme en termes de consommation. La production et consommation de pétrole ne cesse de grandir année après année, faisant des Emirats l’un des pays les plus polluants du monde. En effet, selon le site Our World in Data, ils réunissaient 0,66% des émissions globales de CO2 en 2022, un record dans l’histoire des Emirats. Selon les dernières statistiques de la Banque mondiale, les expositions à la pollution sont 8 fois plus élevées dans le pays que ce qui est considéré comme sain pour la santé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Les EAU font face à de nombreuses critiques quant au recyclage de l’eau, au gaspillage de nourriture et aux effets néfastes de l'activité humaine sur l'environnement, comme la construction d'îles artificielles. Les conséquences sont importantes : augmentation de la salinité de l’eau, destruction des habitats naturels et immense contribution du pays au réchauffement climatique. Mais les Emirats sont-ils vraiment une cause perdue en matière de changement vers une société plus eco-friendly?


S’il est vrai que les Emirats sont l’un des pays les plus pollueurs au monde, il ne faut pas ignorer les récents efforts mis en place pour améliorer cette image. Les EAU sont le premier pays du Golfe à avoir annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Le défi s’annonce de taille, mais l'idée est là, ainsi que les actions. En 2023, les EAU se plaçaient seconds dans la consommation mondiale d'énergie solaire, derrière l’Australie. A Dubaï, le parc solaire de Mohammed bin Rashid Al Maktoum est déjà en opération et continue de se développer, dans l’espoir d’atteindre une capacite totale de 5 giga watts, pouvant ainsi réduire la consommation de CO2 de 6,5 millions de tonne par an. Une autre initiative, illustrant cette volonté de tourner au vert, se trouve être le développement de Masdar City, un quartier 100% eco-friendly à Abu Dhabi. Développé en partie par l’entreprise Masdar, dont le président n’est nul autre que Sultan Al Jaber, Masdar City offre une architecture désignée spécialement pour économiser l’eau et l'énergie, comme un surélèvement des quartiers pour éviter que l’air chaud du désert ne réchauffe la cité. Recyclage de l’eau, climatisation naturelle et utilisation d'énergies renouvelables. Seul problème, Masdar City n’est pas très peuplée, suscitant des questions quant à l'efficacité de l'émergence soudaine de nouvelles villes, ce qui pousse les villes déjà construites et connues, comme Dubaï, à se développer de la même manière. Le gouvernement Émirati annonce continuer de travailler avec ses entreprises d'énergie, dont Adnoc, pour continuer sur cette lancée et transformer sa consommation d'énergie.


Alors, la COP28 pourrait bien être un moyen de se débarrasser de cette étiquette. Aujourd'hui, le cheikh des Emirats Arabes Unis, Mohammed bin Rashid Al Maktoum, s’engage pour un futur plus vert, et déjà l'Émirat de Dubaï ne repose plus son économie sur le pétrole, mais bien sur le tourisme et les investissements dans les secteurs du luxe, de la finance et de l’immobilier. La même affirmation est vraie pour les autres émirats des EAU, car le pétrole et les énergies fossiles ne sont plus la base principale de l'économie du pays. La décision de confier la COP28 à Dubaï n’est donc pas anodine. S’il est évident que le pays ne renoncera pas aux productions et exportations de pétrole d’ici peu, Al Jaber semblait être le parfait candidat pour la COP28. Habitué des discussions sur le climat, il est surtout le visage du développement vers les énergies renouvelables des EAU, avec des projets tels que Masdar City. Al Jaber affirme qu’il souhaite entreprendre une transition graduelle mais efficace sur le long terme, avec une approche balancée entre répondre à la demande mondiale en énergie et transitionner de manière adaptée à tous les pays. Lors d’une conférence pétrolière annuelle en 2021, il déclare: "Oui, les énergies renouvelables se développent rapidement. Mais le gaz et le pétrole restent les plus grandes énergies du mix énergétique et le seront pendant des décennies. Le futur arrive, mais il n’est pas encore là. On ne peut pas tout simplement débrancher le système d’aujourd’hui". 


Si Al Jaber affirme pouvoir faire de la COP28 une COP historique, réunissant tous les pays du monde, les populations indigènes et les industries d'énergies fossiles et renouvelables dans le combat contre le réchauffement climatique, reste à voir s’il y arrivera, et dans le temps limite que nous avons pour sauver notre planète.


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